Claudio Piersanti, invité des Quais du livre et récent lauréat du Prix Campiello, nous livre sa vision de la vie et de son pays, par le prisme de son dernier ouvrage, Enrico Metz rentre chez lui (Quidam éditeur).
Que connaissez-vous de la France, de notre région et de Palavas ?
Je ne suis jamais venu à Palavas mais je connais bien la France. Je relis Montaigne chaque année. A 15 ans, je vendais le journal Rouge au quartier latin, moi le fils de militaire. Mais je n’ai jamais été militant, et encore moins marxiste. J’étais anar, je suis, aujourd’hui, libertaire.
Retracez-nous un peu de votre parcours.
Je suis diplômé en philosophie, puis j’ai été longtemps journaliste scientifique, spécialisé en neurobiologie. Il me semble que la philosophie, par essence, comporte deux directions : vers le langage ou vers la science. J’ai ensuite commencé à écrire, des romans et des scenarii pour le cinéma.
Votre dernier livre, paru en français en mars dernier, raconte l’histoire d’un avocat ruiné qui retourne sur sa terre natale, un petit village. Que cherche-t-il ?
Enrico Metz, après avoir connu la réussite, l’argent et la gloire à Milan, veut retrouver la félicité de sa jeunesse. Mais il a trop changé. Ce livre traite avant tout de la douleur du retour. C’est cette quête du bonheur pour lui-même que poursuit Enrico.
Le retour est-il forcément une douleur ?
C’est cette nostalgie de la maison qui le pousse à revenir chez lui. Je pense qu’il ne faut jamais retourner en arrière, c’est une erreur. On ne trouve que la douleur du temps et la nostalgie. Pourtant, Enrico va y parvenir, mais pas tout seul : il va faire la rencontre d’un jardinier et d’une jeune danseuse.
Comment Enrico est-il reçu à son retour ?
Il ne réussit pas à expliquer qu’il ne veut rien d’autre que le bonheur. C’est la vie des petites communautés : il est épié, en conflit avec les pouvoirs locaux, politiques et économiques, qui le regardent comme un étranger, un ennemi. Lui ne veut plus d’ennemis, il en a eu assez. L’Italie est dans une situation comparable : elle s’est trouvé un ennemi facile, les Roms, qui semblent la cause de tous les maux, et la Ligue du Nord recueille ce sentiment diffus de peur, notamment des immigrés clandestins. Il est facile de se construire des ennemis à peu de frais, nettement moins de ne plus vouloir haïr.
Enrico Metz parvient-il à ne plus haïr ?
Il va accomplir son projet d’être bienheureux, grâce surtout à cette jeune danseuse de 16 ans. Elle commence à vivre, lui finit. Ils sont amis, c’est un amour qui ne se dit pas, qui peut se voir avec les yeux. Certains ont été choqués par cette relation mais cette danseuse, c’est la beauté du monde. Enrico va prendre le temps, celui de la nature. A Rome, les gosses ne connaissent plus ce temps, tout est accéléré, ils ne voient des poulets que les rayons des supermarchés, et plus personne ne supporte les temps de la vie et de la mort.
L’individu et sa quête personnelle est un sujet central pour vous…
C’est le propre d’un libertaire comme moi. En Italie, l’individu n’est pas reconnu. Il est forcément lié à un parti, à une religion, bref à une appartenance. C’est ce que j’appelle la “politique d’adoption, de cooptation”. La démocratie n’est pas assez forte et ancrée, et les groupes de pression sont nombreux. La laïcité n’existe pas. Quant à Berlusconi, il s’agit surtout de comprendre pourquoi la majorité a voté pour lui.