| Août, encore un mois plein de chaleur à Berlin, en l’an 2003. Le pouls de l’après-midi ralentit, l’heure retient son souffle. Grillée depuis dessemaines desjoursédesnuits. Lesoleil – voilé, gris blanc son éclat, sans ombre é plombé. Le ciel un toit de fonte chauffée à blanc tendu sur Laville, sous lequel de lourdes émanations fermentées pèsent dans une année trop mûre. Échappées des tunnels de l’U-Bahn, des moufettes de produits désinfectants, bonbonsuaves & prononcées, découpent en été chimiquement fané la brume compacte qui couve. Une chair se traîne nonchalante le long des maisons fournaises – sur l’asfalte pâteux – à travers le bloc vitreux de Ville&sueur. Des semaines torrides ont changé l’atmosphère en immobilité huileuse é pourrissement des Tropiques. Mais 1 simple fissure : et Lorage éclatera, mugissant comme à la crevaison d’une digue. Des gens, 1 grand nombre d’entre eux paraît me dépasser en âge, se meuvent péniblement le long de l’allée du cimetière. (Perceptible de temps à autre à travers le feuillage des arbres&buissons flétris par la chaleur le gémissement des trains de la S-Bahn, comparable à de l’air chaud comprimé compressé dans le bloc de la ville.) On dirait que tous=nous pataugeons dans une masse gélifiée ; les fleurs avides d’air frais ouvrent leurs calices. Me précédant sur l’allée de dalles, Max le cocker spaniel, presque aussi vieux que moi avec ses dix ans d’âge canin convertis en âge humain. La main de fonte de la chaleur l’écrase lui aussi, – il se traîne de l’avant, haletant. À vrai dire, il est interdit d’emmener promener les chiens dans les cimetières. Mais ç’est chose courante partout. Les gardiens nous laissent faire, Max é moi ; sans doute donnons-nous l’impression d’être tous=les=deux en route vers le silence originel, é: il est déconseillé de vouloir en dévier quiconque. – Max me lance parfois un regard provocateur, comme si ce qui se déroulait ici=au-cimetière tenait d’une compétition entre 2 vieilles créatures, les morts installés dans les tribunes, et qui perd Ici a Tout perdu à=jamais –.– À cette époque de l’année jusqu’il y a trois ans, quand j’avais encore mon cabinet médical, ces quelques semaines de congés, citadelle d’heures oisives, me semblaient rétrécir à vue d’oeil, s’effriter implacablement – & les lueurs crues du rappel au Devoir du Travail m’envahissaient dès le matin, l’ultime instant de temps libre sombrait dans la morosité brun poussière à l’amorce du dimanche soir.
*Tu te moquais de ma tristesse de fin de vacances, qui remontait à mon enfance ; Henriette, aujourd’hui aussi je suis en-solo avec elle. Qui n’est plus que la douleur fantôme de toutes ces années révolues où j’ai pratiqué la médecine. Il y a 3 ans, à la douleur fantôme s’est ajoutée la douleur véritable. Elle nous lie tous=les=deux, toi Henriette moi, solidement=ensemble par-delà ta mort. Tu es restée belle même dans la vieillesse. Tu as su vieillir sans perdre ; une femme affichant son caractère au-fil=des-ans. Rares sont les gens qui acquièrent un visage humain. Plus rares encore ceux qui le conservent. Tu as été de ceux-là. Et libérés des devoir&chargedetravail, nous=deux aurions pu exhumer le commencement de notre vie des gravats ordinaires Dézannées, comme des havres enfouis de l’enfance. Redevenirenfant dans sa vieillesse, tant que le Count-Down de la vie nous l’accorde encore. – Ton souffle fut trop court, Henriette, à peine six mois te furent comptés pour ton temps d’enfance renouvelé. Et demeure en moi le sentiment non pas que tu m’aies abandonné, mais que c’est moi qui !t’aie abandonnée en m’attardant=ici….. – De l’eau, tiède & qui coule avec parcimonie du robinet de la fontaine, que je répands maintenant avec l’arrosoir sur ta tombe – goulûment avalée par la terre poussiéreuse, comme si, en allée de ta vie, tu avais rejoint les plantes dans la poussière. Et que désormais tu appartiens à la terre. (Repose en paix.)* |