La Cache du Minotaure

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Undine Gruenter

La Cache du Minotaure

Cnossos à Montmartre : l’intense féérie d’une folle fable contemporaine.

Au pied de Montmartre, la Cité des Platanes est un univers en soi. Sur le panneau d’affichage, face à la loge de la concierge, surgissent du jour au lendemain de courts placards déguisés en bestiaire fantastique. De qui émanent-ils ? A qui sont-ils destinés ? Ecrivain amoureux, Luis Gonzáles s’allie à Julio, fils de la belle Dolorès, et à Émile le chien, pour découvrir le fauteur de troubles, à moins qu’il ne soit lui-même coupable… C’est ce que Monsieur Dupoivre, détective à la retraite, engagé par le Syndicat des copropriétaires, tentera d’éclaircir. 

Avec ce roman étonnant, Undine Gruenter transpose la légende du Minotaure dans le Paris d’aujourd’hui et au cœur d’un labyrinthe imaginaire aux multiples allusions littéraires — de Rabelais aux surréalistes —, métamorphosant son histoire en farce, divaguant entre humour noir et facétie anarchiste. La Cache du Minotaure pose avec jubilation la question de la littérature comme scandale. Au lecteur de découvrir le fil du récit et de se laisser perdre dans le dédale de ses trames multiples qui font miroiter les innombrables facettes de la réalité par le biais d’une langue joueuse, subtile, délicieuse. « Des miniatures sur un rien, un souffle, une feuille dans le vent, la corne d’un taureau qui perce un trou dans le petit, le minuscule, dans le rien. »

C’est un ovni littéraire. Un livre pour grands lecteurs. Il y a une telle jubilation dans le style, qu’une fois celui-ci apprivoisé, la lecture s’avère magnifique, extraordinaire. Sans parler de la richesse des récits entremêlés, qu’ils soient d’ordre mythologique, policier ou populaire.

Gisela Kaufmann (Librairie Buchladen) Fréquence protestante

Quand le point de fuite de l’art et du désir croise celui d’une enquête, le quotidien, parfois, se réenchante. L’écriture joueuse d’Undine Gruenter est à découvrir.

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Undine Gruenter

Undine Gruenter est née à Cologne en 1952, Elle a grandi dans des conditions familiales difficiles. Après des études à Heidelberg, Bonn et Wuppertal, et quelques allers et retours entre...

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Un immeuble des années 50 comme un labyrinthe, au pied de Montmartre, soudain mis en effervescence par des messages fantastiques accrochés près de la loge de la concierge. L’enquête commence. La paranoïa guette. Ce thriller espiègle croise les images de la mythologie avec les évocations surréalistes et les cadavres exquis, comme pour nous égarer encore. Et si le coupable était là, depuis le début, masqué par son omniprésence ?

Pierre Deshusses Le Monde des livres, 24 juin 2005

Un vent de liberté

Undine Gruenter a réussi à construire un récit foisonnant selon les plans d’un labyrinthe très personnel. Récit à tiroirs, dédale méta-textuel, parodie espiègle, canevas d’histoires ; on s’y perd avec délectation. Désorienté, le lecteur se laisse mener par le bout du nez avec un plaisir piqué de curiosité.
Un premier dédale nous emmène dans le Paris populaire de Montmartre, au cœur d’une cité labyrinthe des années 50. L’émotion est grande au sein de la communauté : de curieux messages viennent mystérieusement semer la panique dans le panneau d’affichage réservé aux annonces officielles. Pas de graffitis ou de tags, les fauteurs de troubles sont d’étranges textes, mi-contes animaliers, mi-poèmes surréalistes. Et ces petites bombes littéraires doivent cessées ! On engage alors un détective à la retraite pour découvrir l’identité de ce terroriste poético-anarchiste insaisissable. Et nous voici ainsi plongés dans un autre univers, celui d’un hommage facétieux au surréalisme, où l’inconscient du personnage central - l’écrivain amoureux Luis Gonzales, qui sera le fil d’Ariane du lecteur, le guidant à travers les différents dédales narratifs - devient une voix à part entière du récit pour converser avec Breton et quelques autres.
L’auteur prend plaisir à détourner les genres littéraires pour s’approprier le mythe antique, le remodeler dans son univers propre et partir ainsi à la recherche de la nature de l’Art. Un Art hybride, prisonnier et méjugé. Un Minotaure moderne. Bien sûr, il est d’autres passages à emprunter, d’autres histoires à explorer : ils / elles se télescopent, s’imbriquent, se confondent, mais tous / toutes sont habités par un authentique vent de liberté.

Renaud Junillon Page des libraires, mars 2005

Qu’est-ce que c’est ? Une fable sur le sérieux sanguinaire et l’énergie anarchiste de l’art, un roman policier fantastique, un mythe grec recyclé selon les règles de l’art post-moderne ? Est-ce une histoire d’amour du romantisme tardif, l’invention d’une autobiographie fragmentaire, un conte noir tiré des Mille et Une Nuits parisiennes ? Le dernier roman de Undine Gruenter est tout cela et un peu plus : un manifeste poétique sur la littérature et l’enfance, la terreur et la vérité, qui conduit dans le «labyrinthe infini de la modernité», une modernité au programme esthétique de laquelle l’auteur se tient expressément sans se laisser influencer par le marché et les modes […] depuis son premier roman Ein Bild der Unruhe paru en 1986.

Andrea Köhler Neue Zürcher Zeitung, 9 octobre 2001

La Fontaine et Buñuel, la fable et le reflet.
La littérature peut-elle encore provoquer la terreur ? Peut-elle encore mettre à mal le pouvoir, aussi dérisoire soit-il, d’un syndicat (sic) de copropriété ? Dans la Cité des Platanes, en plein cœur de Paris, il semble bien que oui. Du jour au lendemain sont apparus sur le tableau d’affichage du syndicat pourtant fermé à clef des placards poétiques et énigmatiques. Après avoir traité par le mépris ces textes abscons, la présidente du syndicat mène l’enquête avec le soutien d’un écrivain et d’un jeune garçon. Mais « quand les adultes commencent à croire aux rêves des enfants et des artistes, la réalité sort de ses gonds. » La Cité des Platanes se transforme imperceptiblement en labyrinthe.
A travers les miroirs
L’écrivain, « isolé, prisonnier,tenu enfermé par les autres, qui se nourrit du cerveau des autres », est-il une des figures possibles du Minotaure, fils monstrueux de Pasiphaé et du taureau noir offert par Poséidon à l’époux de la belle, Minos ? Sa propre filiation semble l’indiquer. Mais qu’en sait-il lui-même ? En a-t-il le souvenir? La Cité des Platanes d’Undine Gruenter est un espace littéraire peuplé de terreurs enfantines et mythologiques, un espace où chaque chose, chaque être possède un double visage, une triple identité. Nulle vérité solide et définitive ne se détache jamis du fond de son décor toujours mouvant. En quête du Minotaure (individu ou collectif, nul ne le sait) qui dépose sur le panneau, dans les boîtes aux lettres, sur les portes entrouvertes des variations sur des textes anciens de l’écrivain ou sur ses propres thèmes, l’écrivain, sa belle maîtresse et l’enfant voient se lever sous leurs pas, comme autant de chausses-trappes, toute la littérature du siècle écoulé. Les époques et les images se téléscopent. Virginia Woolf glisse dans le corps fantomatique de Flush tandis que la vessie de Bataille éclate « comme un œil qui coule transpercé par la corne d’un taureau ». La littérature soulève des peurs abyssales et n’apporte plus de réponse.
Rien ne manque donc à ce roman dénonçant la vacuité de l’ennuyeuse modernité qui veut « mettre au premier plan le journal intime, déballage radical, fétiche de l’authenticité, à la place de la fiction romanesque » et produit ses propres critiques, « venus démonter aux auteurs de fiction à quel point ils dépècent leur propre vie et celles des autres et qui leur reprochent de transformer la vie en littérature ». Pourtant nulle amertume dans cette écriture maniant la référence avec virtuosité pour créer la clarté et l’obscurité. Le récit-collage, comme les personnages, suit son cours,erratique et plein de surprises. Et si le surréalisme tire son épingle du jeu, c’est certainement en vertu de son refus absolu de l’univocité du sens qui, en dernier ressort, laisse l’auteur, le personnage et le lecteur chacun face à leur monstre. Dans une jolie lumière d’été, sous les platanes.

Pascal Dreyer Livre& Lire, mensuel du livre en Rhône-Alpes, mai 2005