Subtil thriller psychologique, La Version de Nelly pose, avec humour et ironie, une question d’apparence simple : qu’est-ce que l’identité ?
Lorsque Nelly signe le registre de son arrivée dans un hôtel étrange, elle est convaincue de démarrer une nouvelle vie. Elle s’est si bien débarrassée de l’ancienne —un possible mari, un fils éventuel — qu’elle ne se souvient de rien, pas même de son nom. Mais a-t-elle vraiment tout oublié ? A quel prix ? Et que penser de cette valise pleine de billets qui semble lui appartenir ? Avec le sentiment d’un détachement absolu, Nelly s’en va à la découverte de ce qui l’entoure. Comme dans un rêve éveillé, le monde lui est à la fois totalement étranger et très familier, parfois prégnant jusque dans les moindres détails. Nelly s’acommode de cette identité chancelante, qui lui procure un sentiment de liberté inattendue et lui offre un regard singulier sur le monde… Mais le monde est-il prêt à supporter le regard qu’elle porte ? Et la liberté de Nelly n’est-elle pas l’illusion même ?
A l’éternelle question : « Qu’est-ce qui constitue une identité ? », Eva Figes répondait en 1977 par son cinquième roman, La Version de Nelly. Une réponse décalée et inattendue, bourrée d’une ironie salutaire, rare dans les « romans de l’identité ». dans ce livre enfin traduit en France — le quatrième après la Boucle, Spectres et Lumière —, l’écrivaine anglaise prend le contre-pied du genre : plutôt que de fouiller le passé de son héroïne, ce qu’elle a vécu et avec qui, elle l’efface. La Version de Nelly s’ouvre quand une femme qui a tant oublié de sa vie s’invente un nom pour s’inscrire sur un registre d’hôtel : Nelly Dean. Comme la servante et narratrice principale des Hauts de Hurlevent. Mais si la Nelly de Brontë était la confidente de tous, donc leur mémoire, avec tout ce que cela comportait de dévotion et de compassion, celle d’Eva Figes se place dans une position strictement inverse. Confrontée à un homme qui se dit son fils et à un autre qui semble avoir été son amant, elle ne ressent rien. La Version de Nelly est un subtil thrilller psychologique raconté sur le mode du journal intime. Mais un journal intime très détaché. L’oubli devient ainsi (au moins momentanément) une condition à la liberté, un droit à s’inventer soi-même. Dans ce roman tendu, à l’humour très noir, Eva Figes imagine ce que l’on ressentirait en regardant soi et les siens « objectivement », à distance, débarrassé du sentimentalisme et de la culpabilité qui tissent les liens familiaux ou amoureux. On s’en relèverait difficilement.
« Où allais-je donc ainsi, et dans quel but ? Avais-je au moins eu l’intention d’aller quelque part ? et sinon, pourquoi ? Etait-ce une erreur ? » Face à un passé gommé et un futur inimaginable, le présent de Nelly, la narratrice de ce singulier roman, se résume à un immense point d’interrogation. Ne sachant ni qui elle est, ni pourquoi elle se retrouve à l’hôtel dans une petite ville lambda, elle raconte par le menu son étrange quotidien — des inconnus semblent très bien la connaître, revendiquant des liens affectifs surprenants, un inspecteur de police s’intéresse de près à son cas, le hasard voulant que ses promenades l’impliquent dans des crimes ou délits incroyables, le livre qu’elle emprunte à la bibliothèque retrace très précisément ce qu’elle est en train de vivre… Et puis, il y a cette femme dans le miroir, ce reflet qui lui fait horreur… Entre rêve et cauchemar, amnésie et schizophrénie, La Version de Nelly tient le lecteur en haleine de bout en bout. Un jeu autour du je, subtil et totalement décalé !