« On n’est pas fait pour le monde commun, composé pour les paresseux, les peureux, gens morts dès la naissance, des larves dans la vase des temps, pauvres pensées ! plaisirs de quelques minutes, une corde de rappel tressée par la raison, un harnais de sécurité, des chiffres, des arguments, des discours, des justifications, des prétextes, éternelle mise à distance de l’être sous l’impossible. Je ne veux pas, je ne veux plus être à distance de l’impossible et de l’horreur. Je file droit vers eux. On y fera une pêche miraculeuse. On y gagnera une autre vie, une âme neuve. »
Des personnages aux instants de leur vie où tout se joue, quand on ne se résout plus à être ce que l’on était, quand on prend le risque, peut-être fatal, d’un pas de côté. Autant d’expériences fortes dont on ne revient pas. Etonnement et sidération qui marquent une seconde naissance. L’entrée dans le monde quand on n’était, avant, qu’en sa périphérie : Le Renvers.
Il n’est jamais trop tard pour découvrir la langue envoûtante, précise et musicale qui se déploie à travers ces onze nouvelles en alternant les époques et les lieux, en faisant osciller ces récits entre noirceur et lumière. En quelques phrases, Robert Alexis crée une atmosphère unique qui témoigne d’une sensibilité aiguë. Une très belle découverte !
Mordre à la vie leur suffit. Cela, Robert Alexis, avec son écriture souple et envoûtante, passant d’une atmosphère à l’autre en affûtant son vocabulaire et en brossant des décors adéquats, le transmet parfaitement, lui qui sait quitter ses personnages au bon moment, sans avoir recours à la fatidique chute finale, les laissant simplement poursuivre (ou pas) leurs aventures au bord de l’inconnu.