«Je montrerai tout. Mon cœur, mes émotions. Vert - rouge - jaune - bleu - violet. Haine -amour - rire - peur - tendresse.»
Niki hait l’arête, la ligne droite, la symétrie. A l’inverse, l’ondulation, la courbe, le rond ont le pouvoir de déliter la moindre de ses tensions. Délayer les amertumes, délier les pliures : un langage architectural qui parlerait la langue des berceuses. Aussi vit-elle sa visite au parc Güell comme une véritable épiphanie. Tout ici la transporte, des vagues pierrées à leur miroitement singulier. Trencadis est le mot qu’elle retient : une mosaïque d’éclats de céramique et de verre. De la vieille vaisselle cassée recyclée pour faire simple.
Si je comprends bien, se dit-elle, le trencadis est un cheminement bref de la dislocation vers la reconstruction. Concasser l’unique pour épanouir le composite. Broyer le figé pour enfanter le mouvement. Briser le quotidien pour inventer le féérique. Elle rit : ce devrait être presque un art de vie, non ?
Niki de Saint Phalle dans tous ses éclats. C’est le troisième roman de Caroline Deyns, et sans doute le plus ambitieux : il s’agit de rendre justice à un esprit libre, insaisissable et trouble par principe, lui mosaïquer une biographie totale.
Etats d’âme. Roman, biographie et documentaire à la fois, Trencadis est un ouvrage fantasque par sa forme autant que par son sujet, la prodigieuse Niki de Saint Phalle aux mille facettes.