« Au fond, mon vieux, je crois qu’il n’y a plus rien à raconter. Nous sommes arrivés après l’histoire, après la structure, après le sens et la progression des choses, après leur développement. Tu marches dans la rue et des tas de personnes constamment viennent vers toi, avec leurs yeux plissés, leurs bouches ouvertes. Certaines se collent à toi et te posent une question et tu dois les repousser, tu dois constamment les repousser. Et toujours elles reviennent. Et toujours pour te poser la même question. Toutes veulent savoir où se trouve la sortie. »
Roman d’une réalité perdue à l’heure des intelligences artificielles et des navigations virtuelles, Flouter les pigeons se caractérise avant tout par l’originalité drolatique et les manquements narratifs qu’affectionne son auteur qui, résolument, dynamite la façon que nous avons de concevoir une histoire.
Tout est bousculé, tout est peut-être flouté et d’abord la structure narrative pour les pigeons que nous sommes, arcboutés sur nos « fondamentaux », parce que, justement, il n’y a plus de fondamentaux, sauf l’imagination pince-sans-rire d’un écrivain qui annonce la couleur dès les premières lignes […] Porte-parole d’une histoire à perdre le nord, qui rebondit joyeusement d’une séquence à l’autre, nourrie d’un humour sans limite.
On retrouve les mécanismes chers à Pierre Barrault : la logique de la narration s’emballe, les situations se confondent et, ici, les lieux et les dates, les événements et leurs interprétations défaillantes s’effacent. Avec son habituelle humour, son sens équilibriste du décalage, Flouter les pigeons spécule sur ce qui reste de nos histoires et espoirs.