Qui est le père de l’enfant d’Imelda ? Dans ce récit palpitant, iconoclaste et tragique, John Herdman remonte le temps dans une double narration où deux discours contradictoires se superposent et s’entrecroisent, à l’image de la folie qui tisse sa toile tout au long du roman, emprisonnant Imelda dans ses longs fils vénéneux. La grandiloquence des narrateurs est à l’image de leur chute ou de leurs vices, dénonçant une société passéiste, mortifère et fondamentalement hypocrite. Le style de Herdman entretient cette dualité, dans une langue très construite où la noblesse des mots est érigée en système pour masquer la réalité. Le lecteur évolue à l’intérieur de cette structure, cherchant à entrevoir la vérité entre ces brillantes facettes. On songe à l’écriture dense et ironique de Nabokov dans La Méprise, à son jeu sur les conventions littéraires. Ici aussi, le lecteur est entraîné dans une illusion.
Qui détient la vérité ? Le lecteur ou l’un des personnages ?
L’avalanche des 683 romans de cette rentrée littéraire ne doit pas faire oublier tous les bons livres parus quelques mois plus tôt, parmi lesquels le magnifique Imelda de John Herdman. […] Deux narrateurs donnent leur version des faits : le premier est schizophrène, le second prêt à n’importe quel mensonge pour sauvegarder sa réputation et celle de sa famille. Où se cache la vérité ? Et si, justement, la vérité n’existait pas ? On ne peut qu’admirer ce jeu de piste brillantissime, digne de Nabokov, où les conventions littéraires explosent, cédant le passage à la folie et à la puissance de l’illusion.
C’est une belle construction, vénéneuse et sournoise, pleine de chausse-trapes et de faux semblants. On n’est finalement jamais exactement là on croit être et ce domaine de Lemington finit par vous avoir des airs de pays des merveilles carrollien. Les registres des deux témoignages, de l’échange épistolaire ainsi que de l’intervention du chroniqueur sont finement contrastés et, à force de nous faire tourner girouette, parviennent à leur but ultime : nous convaincre de la puissance et de la fausseté intrinsèquement liées du langage.