Affleurer, par l’écriture, à d’autres manières de voir, de sentir, de vivre, c’est la tentative même de ce roman. En voyage de Venise en Orient à bord d’un navire fatigué d’être, un jeune homme part retrouver un géniteur qu’il n’a jamais connu. L’époque : le Moyen Âge tardif et des croisades hors d’haleine. « Toute ressemblance avec notre temps est à imputer à la nature des hommes », nous dit son auteur.
Une langue atmosphérique riche et gonflée d’aspérités qui racle et déborde, danse avec les mots, le rythme, les codes et les références, sait vous attendrir de toute sa poésie dans le même élan, qui vous attrape sans vous lâcher, somptueuse et subtile, folle d’inventivité. Rayas Richa arpente la littérature et ses contours qu’il se plaît à tordre avec la plume ciselée de lyrisme d’un alchimiste-conteur- d’histoires ivre d’une liberté des plus envoûtantes, des plus désarçonnantes. Un brasier de mélancolie fiévreuse qui tourne dans la caboche la dernière page refermée. On s’en délecte et l’on s’y noie avec un plaisir intense!
Rayas Richa avait marqué en 2016 les esprits par sa manière audacieuse et douce de tracer une route originale au récit sans le déshabiller de sa poésie propre, sans embarrasser ses envolées, en lui conservant toute son énergie. Prédilection pour un naufrage, ce deuxième volume, ne déroge pas à son ambition et lui offre aux côtés de rares créatrices et créateurs la place prépondérante que l’on réserve généralement aux fictionneurs de très beau tempérament. D’aussi belle eau, une langue ne se néglige pas.