Portrait-robot. Mon père
« L’homme que je connaissais ou croyais connaître n’ était qu’une part de cet autre que personne ne connaissait. » Comment aimer un père « apolitique » — l’écrivain Eberhard Meckel (1907-1969) — finalement complice de l’idéologie nazie ? En exécutant sans faillir le portrait d’un être au fil du temps désemparé qui, entre romantisme, idéalisme et catholicisme, fut incapable d’assumer ses contradictions, Christophe Meckel pose aussi la question de l’héritage des pères aux fils après la chute du Troisième Reich.
Portrait-robot. Ma mère
« Je n’ai pas aimé ma mère.» Phrase tabou d’un fils qui déplore la froideur bourgeoise d’une mère au protestantisme prussien. Christoph Meckel dit son manque dans une langue sèche et cassante, reflet de celle qui était sans tendresse ni amour ; une femme prude, égoïste et arrogante dont la violence larvée le conduisit au désenchantement absolu.
Publiés pour la première fois en diptyque tel que l’imaginait son auteur à l’origine, ces deux récits, écrits à vingt ans d’intervalle, radiographient l’univers intime de l’Allemagne d’hier et le séisme mental auquel son peuple dut faire face.
On tourne le livre dans un sens puis dans l’autre : n’y a-t-il pas eu une erreur de fabrication ? Deux couvertures identiques, on peut prendre le livre par le début ou par la fin. Au bout de quelques instants, on se rend compte que les dessins de couverture changent légèrement, en dépit d’un graphisme similaire. D’un côté est écrit Portrait-robot. Mon père, de l’autre Portrait-robot. Ma mère. Une façon de renvoyer dos à dos des géniteurs que l’auteur ne porte pas dans son cœur. Né à Berlin en 1935 et partiellement installé dans la Drôme, Christoph Meckel, graphiste et écrivain, a remporté de nombreux prix pour son œuvre considérable. Publiés pour la première fois en diptyque, ces récits ont pourtant été écrits à vingt-deux ans d’intervalle, après la mort du père mais du vivant de la mère, « prussienne et chrétienne », dont le portrait ressemble parfois à un règlement de comptes. Mais dans les linéaments de ces biographies se dessine un autre personnage tout aussi intriguant : une Allemagne rigoriste, inflexible et souffrante.
Né en 1935, l’écrivain allemand Christoph Meckel est le fils du poète Eberhard Meckel (1907-1969), intellectuel subtil et austère qui, dans les années 1930, assista passivement à la montée du nazisme et fut enrôlé comme soldat sur le front de l’Est. « Il appartenait à une génération apolitique, se considérait comme membre de l’élite intellectuelle et n’en était que l’épigone emblématique dont les idées éculées sur le présent ne volaient pas bien haut. » Meckel trace le portrait de ce père dans un livre puissant qui est aussi une impressionnante radiographie de la conscience allemande. Tête-bêche, son éditeur publie également Portrait-robot. Ma mère, écrit vingt ans après, plus court mais tout aussi intense.