Portrait-robot : Mon père/Ma mère

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Christoph Meckel

Portrait-robot : Mon père/Ma mère

Il y a dans Portrait-robot. Ma mère du Thomas Bernhard sous la plume de Christoph Meckel, comme il y a du Fassbinder dans Portrait-robot. Mon père. C’est dire la force de ces deux livres.

Christophe Kantcheff Politis, 24 mars 2011

Portrait-robot. Mon père
« L’homme que je connaissais ou croyais connaître n’ était qu’une part de cet autre que personne ne connaissait. » Comment aimer un père « apolitique » — l’écrivain Eberhard Meckel (1907-1969) — finalement complice de l’idéologie nazie ? En exécutant sans faillir le portrait d’un être au fil du temps désemparé qui, entre romantisme, idéalisme et catholicisme, fut incapable d’assumer ses contradictions, Christophe Meckel pose aussi la question de l’héritage des pères aux fils après la chute du Troisième Reich.

Portrait-robot. Ma mère
« Je n’ai pas aimé ma mère.» Phrase tabou d’un fils qui déplore la froideur bourgeoise d’une mère au protestantisme prussien. Christoph Meckel dit son manque dans une langue sèche et cassante, reflet de celle qui était sans tendresse ni amour ; une femme prude, égoïste et arrogante dont la violence larvée le conduisit au désenchantement absolu.

Publiés pour la première fois en diptyque tel que l’imaginait son auteur à l’origine, ces deux récits, écrits à vingt ans d’intervalle, radiographient l’univers intime de l’Allemagne d’hier et le séisme mental auquel son peuple dut faire face.

On tourne le livre dans un sens puis dans l’autre : n’y a-t-il pas eu une erreur de fabrication ? Deux couvertures identiques, on peut prendre le livre par le début ou par la fin. Au bout de quelques instants, on se rend compte que les dessins de couverture changent légèrement, en dépit d’un graphisme similaire. D’un côté est écrit Portrait-robot. Mon père, de l’autre Portrait-robot. Ma mère. Une façon de renvoyer dos à dos des géniteurs que l’auteur ne porte pas dans son cœur. Né à Berlin en 1935 et partiellement installé dans la Drôme, Christoph Meckel, graphiste et écrivain, a remporté de nombreux prix pour son œuvre considérable. Publiés pour la première fois en diptyque, ces récits ont pourtant été écrits à vingt-deux ans d’intervalle, après la mort du père mais du vivant de la mère, « prussienne et chrétienne », dont le portrait ressemble parfois à un règlement de comptes. Mais dans les linéaments de ces biographies se dessine un autre personnage tout aussi intriguant : une Allemagne rigoriste, inflexible et souffrante.

Pierre Deshusses Le Monde des livres, 21 janvier 2010

Né en 1935, l’écrivain allemand Christoph Meckel est le fils du poète Eberhard Meckel (1907-1969), intellectuel subtil et austère qui, dans les années 1930, assista passivement à la montée du nazisme et fut enrôlé comme soldat sur le front de l’Est. « Il appartenait à une génération apolitique, se considérait comme membre de l’élite intellectuelle et n’en était que l’épigone emblématique dont les idées éculées sur le présent ne volaient pas bien haut. » Meckel trace le portrait de ce père dans un livre puissant qui est aussi une impressionnante radiographie de la conscience allemande. Tête-bêche, son éditeur publie également Portrait-robot. Ma mère, écrit vingt ans après, plus court mais tout aussi intense.

Bernard Quiriny Trois couleurs (MK2), février 2011
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Christoph Meckel Christoph Meckel

Christoph Meckel

Christoph Meckel, né à Berlin en 1935, a fait des études de graphisme à Fribourg et Munich et vit actuellement entre Berlin et Fribourg. Il a remporté de nombreux prix pour l’ens...

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Meckel fait preuve d’une acuité analytique qui rappelle souvent celle du Sartre des Mots. […] Mais jamais cette analyse, d’une intensité soutenue, n’est dépourvue de chair.La littérature, une fois de plus grâce à Meckel, montre combien sa trajectoire entretient un dialogue vibrant avec ce qu’on nomme, sans doute ludiquement, échec.

Voici une extraordinaire radiographie des postures et impostures familiales ! Ecrits à des années d’écart, ces deux portraits robots tête-bêche sont une tentative d’épuisement de la culpabilité allemande. L’auteur mène une véritable enquête a posteriori sur ses parents convoquant toutes les sources (souvenirs, documents, témoignages…) et tous les styles (humour, diatribe, description clinique…) : un travail d’écriture magnifique et d’une lucidité impitoyable.

Atout Livre (Paris ), 24 février 2011

On sort suffoqué de cette double lecture qui uppercute. L’écriture est d’une puissance saisissante et visionnaire en ce sens qu’elle est, avec un temps d’avance considérable, d’une modernité absolue. Une révélation !

Bénédicte Heim livres-addict.fr

Christoph Meckel ou la mémoire à l’épreuve. Une écriture sobre et lumineuse.

Un diptyque œdipien d’une étonnante lucidité.

Eric Bonnargent L'Anagnoste

On ne choisit pas ses parents.
L’écrivain Christoph Meckel avait quarante ans quand il a trouvé les journaux intimes de son père, le poète allemand Eberhard Meckel (1907-1969). Il y a découvert un homme qui, comme beaucoup d’autres, avait frayé avec l’idéologie nazie, ce qui avait été soigneusement caché à ses enfants. De cette nuit-là, le fils n’est pas sorti indemne.
Pour lui, on ne transige pas avec la vérité, quel que soit le prix à payer. De là, Portrait-robot. Mon père, dont la parution en Allemagne, en 1980, fit grand bruit. Le temps était venu pour les fils de régler leurs comptes avec leurs pères. L’ouvrage, écrit au scalpel, jette une lumière crue et sans complaisance sur toute une période de l’histoire allemande. Mais en même temps intime et bouleversante. Car celui qui parle dans ce livre, c’est aussi l’enfant qui raconte son histoire. Quand on naît en 1935 à Berlin, on ne saurait avoir une enfance comme les autres.
La famille bourgeoise, le milieu des écrivains, les années de guerre, les privations, l’arrivée des Russes, l’absence du père, officier dans l’armée du Troisième Reich, puis retenu prisonnier par les Français, en Algérie. Souvenirs du quotidien, petites touches et réflexions allant au profond de l’âme des êtres et des jours : parle ici un auteur, dont l’écriture, la sensibilité et le trait allaient donner le poète, le romancier et le graphiste dont l’œuvre aujourd’hui compte dans le paysage des lettres et des arts outre-Rhin.
Vingt ans après paraissait le second volet du diptyque. Meckel a attendu que la « vieillarde » ne soit plus de ce monde pour publier Portrait-robot. Ma.mère, qui ne le cède en rien pour ce qui est de l’éclairage implacable et de l’horreur des bons sentiments et de la bonne conscience. Mais là aussi, le trait se trouve adouci, magnifié par la sensibilité du regard, la lumière de Fribourg-en-Brisgau, Lucie, la bonne alsacienne — seule complice de l’enfant —, les paysages de Forêt-Noire, l’Alsace toute proche.
Les deux « Portraits-robots » viennent de paraître, réunis pour la première fois, comme l’avait rêvé l’auteur, publiés par un jeune et exigeant éditeur parisien. La traduction rend parfaitement grâce à l’écriture lumineuse de Meckel. Comme si l’amour que l’écrivain, très proche de la France, porte à notre pays, se reflétait dans la clarté du style.
Son précédent livre traduit en français, Un inconnu (éditions Le Temps qu’il fait, 2007) avait permis à nombre d’amateurs de découvrir cet écrivain inclassable.

Hubert Birringer Dernières Nouvelles d'Alsace, 22 mai 2011

Un père complice de l’idéologie nazie, une mère autoritaire : à travers ses parents, l’écrivain allemand autopsie son pays.
D’entrée de jeu, le titre froid, clinique, donne le ton : le père et la mère sont désignées coupables. Car de qui dresse-t-on le portrait-robot sinon de personnes soupçonnées de crime ? Le diptyque de Christoph Meckel s’annonce d’emblée comme un réquisitoire, d’autant plus impitoyable que l’écrivain allemand, né en 1935, juge ses propres parents. Vingt ans séparent le texte sur le père, paru en 1980, de celui sur la mère - ils sont réunis pour la première fois en un seul livre. « Les deux portraits-robots allaient ensemble. Ils étaient la description exacte de la bourgeoisie allemande au XXe siècle. » Meckel dessine les contours de deux individus qu’il chercher à tenir à distance, comme si la littérature pouvait anéantir ce qui les relie à lui : « Ecrire sur un homme signifie : détruire la réalité de sa vie pour la réalité d’une langue. » Ses textes rappellent Extinction de Thomas Bernhard, mais aussi l’atmosphère étouffante du Ruban blanc, le film de Michael Haneke. Il y a la mère, d’abord : une femme sèche, pétrie de foi protestante et incapable d’amour. Puis le père, « despote détrôné », qui, s’il n’adhère pas au parti nazi, se révèle un soldat zélé, occupant la maison de juifs déportés, indifférent aux exécutions. A travers eux, Christoph Meckel exprime la difficulté de se reconstruire sur les cendres de ce passé, en tant que fils et en tant qu’Allemand. Il aurait pu choisir de s’opposer radicalement à ses parents, mais, paradoxalement, il est devenu écrivain, comme son père. Pour mieux le tuer.

Elisabeth Philippe Les Inrockuptibles, 30 mars 2010

Deux textes douloureux et puissants, d’une évidente importance historique, qui n’ont pas peu contribué à faire de l’inclassable Meckel l’un des plus considérables écrivains allemands contemporains.
« J’ai souvent demandé à mon père comment il avait perçu les années trente, comment il vivait et surtout ce que lui et ses amis pensaient, et je n’ai jamais reçu de réponse éclairante. Tandis que Brecht, Döblin et Heinrich Mann émigraient, alors que Dix et Schlemmer vivaient dans la clandestinité, cachés dans des villages du Sud de l’Allemagne, il écrivait tranquillement de la poésie traditionnelle et construisait une maison dans laquelle il voulait vieillir. » Ce père, c’est l’écrivain Eberhard Meckel (1907-1969), germaniste, poète, figure de la littérature allemande d’entre-deux-guerres, ami de Günther Eich, Peter Huchel et Horst Lange. En 1943, il est enrôlé dans l’armée et expédié en Pologne comme caporal, avant d’être détaché sur l’île d’Elbe où les alliés débarquent après deux mois. Il est détenu en Corse puis en Algérie et ne rentre à Fribourg qu’en 1947, brisé, transformé, incapable de reprendre son rôle dans la famille, où il se comporte désormais en tyran domestique - travaillant à domicile, il surveille tout et tout le monde. « Pour ses enfants, ce fut la fin du bonheur, constate Christoph Meckel. Plus jamais il ne se retrouva ni ne retrouva sa propre formule ». En 1978, dix ans après sa mort, Christoph Meckel découvre les notes prises par son père pendant la montée du nazisme et la guerre. Le voile pudique posé jusqu’alors sur cette période dans la famille se lève brutalement, la vérité apparaît à nu : derrière ses allures d’intellectuel porté sur l’abstraction et détaché de la politique, Eberhard Meckel soutenait en fait le régime nazi et s’est plutôt bien accommodé de son passage dans la Werhmacht ; sous le « vernis de l’esthétisme », voilà « la brutalité de l’officier », derrière l’intellectualisme, l’acceptation de l’autorité.
C’est ce parcours que retrace Meckel dans Portrait-robot. Mon Père, ce récit paru en 1980 en Allemagne, où il est aujourd’hui son livre le plus vendu mais aussi un texte classique sur la mise en cause de la génération 1930 par ses héritiers, et une saisissante radiographie de la petite bourgeoisie éclairée de l’époque. « Il est étrange de voir que toutes sortes de gens de lettres de sa génération (toute une phalange de jeunes intellectuels) ont continué à vivre hors de leur temps. Mon père appartenait à une génération apolitique, se considérait comme membre de l’élite intellectuelle et n’en était que l’épigone emblématique dont les idées éculées sur le présent ne volaient pas bien haut ». Détaché, presque froid malgré son style ondoyant, sévère mais sans haine ni accusation simpliste, ce texte impressionnant, introuvable depuis une première traduction chez Flammarion en 1989, est ici augmenté d’un autre, avec lequel il forme un diptyque : Portrait-robot, ma mère, écrit peu après mais demeuré secret pendant vingt ans, jusqu’à la mort d’Annemarie Meckel en 2002. Moins directement « politique » que Mon père, ce second « portrait-robot » n’en constitue pas moins sa continuation logique, et éclaire sous un autre angle (le protestantisme et une vision du monde entièrement littéraire) ce phénomène de déni qu’étudie Meckel chez une génération et un milieu social. (Signalons au passage qu’Annemarie Meckel a elle-même publié ses notes d’après-guerre sous le titre Das Bild des Gefangenen, en réponse au Mon Père de son fils). Deux textes douloureux et puissants, d’une évidente importance historique, qui n’ont pas peu contribué à faire de l’inclassable Meckel l’un des plus considérables écrivains allemands contemporains.

Bernard Quiriny le Magazine littéraire, février 2010

Petits arrangements avec le passé.
En 1980, Christoph Meckel avait fait paraître Portrait-robot : mon père, qui fut traduit une première fois en français chez Flammarion en 1989. L’écrivain, né en 1935, s’inscrivait aux côtés de Brigitte Kronauer, Jürgen Theobaldy, Gabriele Wohmann et quelques autres, dans le courant de la « littérature des pères » qui venait de faire son apparition en RFA. Une génération, entretenant un rapport plus souverain avec l’histoire, demandait des comptes à des parents qui s’étaient accommodés du national-socialisme et avaient ensuite souvent présenté leur silence comme une manière de résistance passive. Tel Eberhard Meckel (1907-1969), ce père lui-même écrivain dont l’œuvre « apolitique » témoigne d’un prudent refuge dans l’intériorité, mais sur un fond de référence à de vieilles valeurs germaniques cultivées aussi par les nazis.
En 1999, Christoph Meckel écrivit un second texte. Sur sa mère, alors âgée de 90 ans. Il avait pris connaissance du journal intime de son père et conclu à la nécessité d’un diptyque restituant la « normalité » de ce couple d’intellectuels, qui avait laissé faire en évitant de trop se compromettre. Sa mère mourut deux ans plus tard. Son « portrait-robot » put alors paraître. L’ensemble qui se donne aujourd’hui à lire constitue l’une des plus pénétrantes approches d’une génération entraînée dans une logique de compromission. Il éclaire également la délicate relation de ces pères et mères avec leurs enfants. On y voit d’abord une confiance aveugle dans les récits des parents, qui affirment être restés sur la réserve et s’être comportés honorablement pendant l’éprouvante période. Le père, catholique du Sud, écrivait des poèmes sur des thèmes intemporels. La mère, corsetée dans sa raideur luthérienne et prussienne, ne semblait se soucier que des bonnes manières et du paraître. L’un comme l’autre paraissaient s’être débrouillés pour que le réel n’entre pas vraiment dans leur champ de vision. Ils avaient pu ainsi traverser sans encombre les douze années du national-socialisme.
A la mort du père, en lisant son journal, le fils avait découvert un tout autre tableau : un accord foncier avec l’idéologie et la politique du Reich, préparé par l’éducation et la formation intellectuelle du début de siècle. Même si Eberhard Meckel s’en était tenu à une discrétion certaine, il avait fait partie de ces millions d’Allemands qui avaient fait montre d’une neutralité pour le moins bienveillante à l’égard du régime. Son « portrait-robot », qui le désigne comme un évident complice, témoigne du regard nouveau porté sur lui par son fils. Vingt ans passent et le portrait de la mère offre l’occasion d’une seconde révision. Ce qui maintenant se dégage de ces deux vies, ce ne sont pas les contorsions que Meckel pointait en 1980, mais à l’opposé une continuité de tous les instants. Un constat peut-être plus effarant encore. L’exploration de ces univers intimes montre en effet, non pas quelque ébranlement de la conscience après la catastrophe, mais une constance des valeurs qui la fondent. Et permet de comprendre l’impossibilité, très tôt ressentie, d’un amour filial de la part de l’écrivain. Ce qui était resté informulé est enfin parvenu à s’exprimer : il ne peut y avoir de réconciliation avec cette génération, qui a vécu l’exceptionnalité du nazisme sur le mode de la banalité.

Jean-Claude Lebrun, L'Humanité, 28 avril 2011

En parlant de son père, Christoph Meckel a su reconnaître le malaise allemand, donnant ainsi à son œuvre quelque chose d’universel.

Die Zeit

Un livre impitoyable.

Süddeutsche Zeitung