A penny for your thoughts, m’a dit une fois un ami de mon père à Washington, comme si les pensées étaient marchandises qu’on peut acheter avec des pièces de monnaie.
Eh bien, que cette image de moi soit la dernière, je voudrais arriver avec cette seule image aux portes de l’éternité.
Polenakis laisse divaguer la poète sur les crêtes d’une longue rêverie nocturne, la voix flottante, perdue entre deux mondes, celui qu’elle va bientôt quitter pour rejoindre une hypothétique éternité […] On s’attache à cette voix chuchotée, qui s’éteint doucement et s’éloigne sur la pointe des pieds. Nimbée de mélancolie grise, Emily se livre sur ce lien si particulier qui l’unit presque malgré elle à la poésie.
En lisant ces pages, j’ai pensé aux Trois derniers jours de Fernando Pessoa (un délire) de Tabucchi. Ici aussi l’approche de la mort nous donne à imaginer l’auteur au plus proche - dans sa déréliction alcoolique chez Pessoa, dans l’éclat nocturne de ses rêves chez Dickinson. Car chez elle, si la mort revient dans ses poèmes, avec persévérance, « [s]a persévérance n’a pas du tout à voir avec la mort, mais seulement avec la vie ».