« Dans ce monde ouaté, je n’entends pas même le bruit de mon propre cœur. J’ouvre les yeux comme j’ouvrirais la bouche une fois hors de l’eau, les poumons prêts à éclater. »
Corrèze, 1942. Au Pont de Brach, Jankiel dispose d’un piano droit dans la ferme de ses beaux-parents chez qui il s’est réfugié. Il vit la solitude de sa condition de concertiste et d’étranger persécuté. Son univers est réduit au paysage qui l’entoure, à sa femme Louise et à la découverte de Lucie, sa fille tout juste née…
De cet homme exilé, Le Bord du ciel révèle, dans une langue vibrante et soyeuse, le foisonnement des perceptions et sa lutte pour renaître au monde.
Entre le silence de l’exil et le vacarme de la guerre, en 1942, Jankiel, juif polonais, se réfugie avec sa femme Louise dans le ferme corrézienne de ses beaux-parents, au pont de Brach. Une petite fille naît, nœud vital, cordon. Lui, musicien, tente de survivre et de continuer à jouer du piano.
Dans Le Bord du ciel, Maïca Sanconie exprime avec finesse l’entre-deux d’un artiste réduit à vivre en sourdine. La narration, focalisée sur le musicien, donne au récit une ampleur particulière, un rythme, un vrai tempo. Désarmé, désemparé par la mort qui gronde autour de lui et l’éclabousse au plus près, le pianiste garde cependant, par la grâce de son art et dans le lien qui l’unit au petit être en devenir, l’espoir de recouvrer une vie harmonieuse. Un roman vibrant d’un ton très juste.
Solitude. Un roman vibrant d’un ton très juste.
Jankiel a fui Paris la veille des rafles du Vel d’Hiv’, pour chercher asile dans le terroir corrézien d’où sa femme Louise, sculpteur, est originaire. Là, tout le force à se fondre et disparaître. «Homme, pianiste, polonais et juif.», il vit un quadruple dépaysement.
Juif traqué par la machine exterminatrice. Pianiste qui n’a plus que sa mémoire et quelques partitions de Mozart, Chopin, Bartok, mais s’assoit jour après jour au clavier d’un pianio miraculeusement disponible. Polonais subissant dans sa chair la torture que le nazisme inflige à l’Europe. Homme enfin sous toutes les coutures de son être en sourdine — héros et douloureux compositeur d’une sonate du dépaysement.
Les lignes qu’il trace chaque matin sur son cahier sont autant de frontières à son exil. A l’égard de Louise que la grossesse d’abord, puis brutalement la mort, lui dérobent. De leur petite fille qu’il apprivoise par la musique. Au sein du paysage qu’il sillonne frénétiquement, dont les saisons l’enlacent, le protègent ou le dénoncent. Exil enfin dans la Résistance où la violence de l’Histoire l’entraîne à tuer comme les autres, dépossédé de tout, au bord du ciel.
Le roman de Maïca Sanconie qu’offre à son pays natal, peut-être issu de sa propre mémoire, use d’une délicatesse puissante pour extraire de l’âme de son personnage une prose vibrante comme un accompagnement musical.